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Nadège Fassi est mère de trois enfants. Sa fille a sept ans, ses jumeaux quatre. Après la naissance des jumeaux, cette ressortissante belge, qui habite alors au Luxembourg, est victime d’un burn-out. Une pause auprès d’un peuple nomade en Afrique l’aide à reprendre sa vie en main et lui donne l’idée de transmettre ces connaissances à d’autres mères stressées. Nadège a échangé avec le ‘Luxemburger Wort’ sur les raisons qui font que les femmes sont en permanence sous pression et expliqué comment elles peuvent lutter contre cet état.

Texte: Sarah Schött, Journaliste  Luxemburger Wort

Interview Nadège Fassi

Sarah Schött: Nadège Fassi, pourquoi avez-vous écrit le livre ‘relax maman respire’ ?

J’avais un message que je voulais partager. Ce message était si fort que je ne pouvais pas le garder pour moi toute seule. La société banalise le rôle de la mère comme si ce n’était rien.

Que voulez-vous dire aux mères ?

Les femmes souffrent depuis longtemps du mythe de la ‘mère parfaite’. Depuis les années 70, des féministes combattent pour l’égalité des femmes et des hommes et c’est génial. Toutefois les mères y ont perdu quelque chose. Dans les années 1970, une mère devait éduquer les enfants, faire le ménage et s’occuper de son mari. La ‘mère parfaite’ d’aujourd’hui doit avoir un emploi pour garantir son indépendance, s’occuper des enfants, faire du sport, rester belle, être toujours de bonne humeur. Elle reçoit des conseils, voire des injonctions, de toutes parts sur l’éducation, les enfants doivent faire le plus d’activités possible, elle doit cuisiner régional, sain et avec des produits frais. C’est une pression énorme, beaucoup trop forte. Nombre de femmes essayent de satisfaire à toutes ces exigences, mais c’est impossible.

Et que doivent faire les femmes pour remédier à cette situation?

Elles doivent se recentrer sur elles-mêmes. Et ignorer les réseaux sociaux où on est toujours en train de se comparer aux autres au lieu de se concentrer sur soi-même.

Que veut dire ‘se recentrer sur soi-même’ ?

Partir de leurs dons et talents naturels. Revenir à elles-même, à qui elles sont profondement. A leurs valeurs, à leurs visions, à leur essentiel. Un exemple classique: une femme qui joue bien du piano mais qui n’est pas doué pour la cuisone. Pourquoi devrait-elle passer l’après-midi à faire de la pâtisserie avec son enfant ? Parce qu’elle a vu que sa voisine réussit parfaitement les gâteaux ? Au lieu d’essayer de faire comme les autres, il faut s’interroger sur ce qu’on aime faire et qu’on fait bien. C’est cela qu’il faut montrer à ses enfants.

Et vous en parlez aussi dans votre livre ?

Oui. J’ai développé un programme en sept parties qui montre aux femmes comment elles peuvent vivre une maternité qui leur correspond mieux.

Avant d’écrire votre livre, vous avez vécu avec un peuple nomade en Afrique, comment cela s’est-il fait ?

En 2016 j’étais en burn-out et j’ai séjourné quelques semaines dans un village en Afrique avec mes enfants. J’ai rencontré des femmes d’un peuple nomade qui vivent  selon des valeurs ancestrales. Ce sont les femmes les plus heureuses que j’ai jamais vues. Elles sont en paix avec elles-mêmes et vivent harmonieusement ensemble.

Quelle est la différence entre ici et là-bas?

Ces femmes ont quatre ou cinq enfants, peu de choses pour vivre, mais elles sont heureuses ; elles chantent, rient, dansent. Je voulais être comme elles, comprendre leur secret. Alors je suis revenue pour vivre vraiment avec elles pendant deux mois. Et j’ai compris : Là-bas chacun fait ce qu’il aime faire. Et chacun a sa place. Prenons l’exemple de la cuisine: quand un groupe de femmes décide de préparer un plat , elles n’ont pas besoin de se concerter pour se répartir les tâches, chacune connaît sa place et sait ce qu ‘elle a à faire.

Quel est le rôle des hommes chez ce peuple ?

Ils sont convaincus que les femmes sont exceptionnelles. Pour eux, la femme est ‘l’échelle qui va au ciel’. Ils croient qu’elles leur sont supérieures. Ils font leur travail, vont à la chasse, mais ils soutiennent les femmes et apprécient leur travail à sa juste valeur.

Après votre séjour en Afrique vous n’avez pas seulement écrit un livre, mais vous faites aussi du coaching…

J’organise des cercles de femmes dans lesquels j’aide les participantes à se recentrer sur elles-mêmes. Je fais aussi du coaching pour des femmes qui ne savent plus comment se sortir de la ‘roue de hamster’ du quotidien, ou qui se sentent malheureuses. Lorsqu’on ne réussit plus à venir à bout de son quotidien, on a honte et on croit être la seule à ne pas y parvenir. Je veux leur montrer que ce n’est pas le cas. La plupart des mamans d’aujourd’hui font face à cette vie exigeante et stressante que nous partageons toutes.

Au fond, pourquoi les femmes se prennent-elles au piège ?

Les femmes  tentent de jouer sur tous les tableaux: réussir une vie professionnelle, de femme, de maman, d’amies, de fille etc… tout en essayant d’imiter les hommes pour la performance, l’efficacité, la force. Elles veulent ainsi montrer qu’elles sont capables de tenir le rythme. Je propose de faire un pas en arrière : laissons ça aux hommes. Nous sommes des femmes, nous n’avons pas besoin d’en faire plus, nous n’avons qu’à être nous-mêmes. Le monde d’aujourd’hui est trop rapide pour les familles. Une grossesse dure à peu près neuf mois et elle ne peut pas être accélérée,,,

Les femmes sont malgré tout jugées d’après leur rendement, au travail, pour l’éducation des enfants…

Beaucoup d’entreprises n’engagent pas de femmes parce qu’elles ont peur du congé maternité. C’est un vrai problème. Les femmes ne mettent pas au monde des enfants pour embêter la société. Si toutes les femmes décidaient de ne plus avoir d’enfants, l’humanité disparaîtrait ! Je souhaite vraiment la réhabilitation du métier de mère. Elles font un travail incroyable. Nous devons le reconnaître et les remercier. Rester à la maison n’est pas toujours agréable. Parfois ce serait plus facile d’avoir un travail régulier que de rester toute la journée à la maison.

Que peut faire exactement une mère stressée pour sortir de ce cercle ?

Tout dépend bien entendu de la situation. Il est très important de ne pas rester seule. De pouvoir déposer sa parole auprès d’oreilles bienveillantes. Elles ont besoin d’espace où être entendues, pas jugées. Autrefois lorsqu’elles allaient au puits ou au lavoir pour faire la lessive, les femmes discutaient de choses privées et intimes . Cette communication manque aujourd’hui aux femmes modernes. Dans les cercles de femmes, on est dans un espace protégé où on peut décharger ses frustrations ou tout simplement être ensemble. Des études ont montré que des hormones sont alors secrétées qui abaissent le niveau de stress. Elles peuvent bien sûr se faire accompagner par des professionnels: thérapeute, psychologue, ou coach parental.

Quels conseils donnez-vous aux femmes quand elles parlent de leurs problèmes ?

C’est important d’accepter de voir objectivement sa situation. Sans en avoir honte. Sans le cahcer en croyant qu’on est seule à en souffrir. Constater simplement qu’elles méritent mieux, qu’elles ont besoin d’aide. Et demander cette aide.Nous transmettons nos blessures aux enfants. Une mère malheureuse fait ce qu’elle peut, mais elle transmet cet état malheureux à ses enfants. C’est pour cette raison que la société est comme ça. Les femmes doivent prendre conscience de leur rôle dans l’éducation de leurs enfants : elles font plus que mettre au monde et éduquer un enfant! Elles sèment pour le monde de demain. C’est un rôle sacré!

Qu’en est-il des pères ? Peuvent-ils également profiter de votre programme ?

Des pères stressés recevront également de bons conseils en lisant mon livre. Tout le monde peut le lire et en profiter. Ce serait bien si plus d’hommes prenaient conscience de leur rôle de père et s’ils appréciaient davantage le travail de leur femme.

Notre société est-elle prête à voir les choses sous cet angle-là ?

C’est un travail individuel qui se répercute dans le collectif. C’est comme pour le colibri. Lors d’un feu les autres animaux croient qu’ils ne peuvent rien faire parce que le feu est plus fort qu’eux. Mais le petit colibri transporte goutte après goutte pour éteindre le feu. Il fait ce qu’il peut. Si chacun agit comme le colibri, nous pouvons changer quelque chose. Chaque mère veut que le monde devienne meilleur. Nous ne devons pas attendre des gouvernements qu’ils fassent tout,

Quels conseils donneriez-vous aux femmes ?

Accepter que nous ne sommes pas censées élever nos enfants seules! Et pour cela, il est important d’apprendre et d’accepter de recevoir de l’aide. Accepter et comprendre qu’élever un enfant, c’est un travail à part entière! C’est même le travail el plus important d’une société. Accepter et comprendre que prendre soin de soin n’est aps un luxe mais bien une nécéssité. C’est indispensable: elles doivent mettre leur masque à oxygène en premier! 

Mais plus que tout, ne pas rester dans leurs difficultés en se persuadant que ça ira mieux demain. Demander de l’aide, dès que vous sentez que vous en avez besoin!

Et un dernier mot aux maman: MERCI du travail formidable que vous faites!

Nadège Fassi : « Relax Maman Respire ! », 208 pages, français.

Pour aller plus loin, je vous recommande d’acheter mon livre Relax maman, Respire !


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